« L'oubli nous rend disponibles au monde, présent ici et maintenant. Aptes à vivre plutôt qu'à dévivre, qu'à revivre sans cesse ce qui n'a pas été vraiment vécu puisque nous étions surtout soucieux de l'enregistrer... de peur de le perdre ! Mais ce qui n'a pas été vraiment vécu est perdu pour toujours, captez-le. Aucun stockage sécurisé, aucun archivage sensoriel haute fidélité, fût-il crypté dans l'eau lourde d'une centrale aquadigitale, ne vous le restituera jamais à ce degré de fraîcheur, d'intensité fissile que le présent qui traverse un corps vivant offre - en passant. Et parce qu'il...passe. Vous, vous n'en avez jamais fini avec votre passé. Vous croyez sauver le plus précieux de vos existences bien ce que vous enregistrez ne soit toujours que cette faillite, indéfiniment répétée, de celui qui sent que l'intensité lui échappe puisqu'il n'a jamais su vivre chaque instant qui compte comme si c'était le dernier, comme si c'était le premier. »
Norbert Merjagnan